« Inattention », « imprudence », « étourderie ». Cette inévitable plaie gangrène les copies et, contrairement aux blocages techniques pour lesquels l’élève peut se dire » je n’aurais pas pu y arriver de toute façon » , elle entraîne d’amers regrets, voire une franche détestation de soi. L’élève jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Il peut jurer autant de fois qu’il le voudra, l’inattention ne disparaîtra pas. Promettre sa disparition relève du vœu pieux sans effet, voire de la paresse intellectuelle face à un paramètre incontournable, comme bien d’autres qui déterminent la réussite ou non d’une épreuve. Dire à quelqu’un d’éviter les erreurs d’inattention est un non-sens. Comment s’éloigner volontairement d’une action involontaire ?
Dans un examen comme dans une entreprise ou dans un dispositif de sécurité, la défaillance humaine ne doit pas être niée ou vouée aux gémonies. Elle doit être prise en compte et jugulée. Si l’on ne peut en éviter les occurrences, il est possible de s’armer en amont, pour en prévenir les effets ravageurs plutôt que les guérir dans les larmes. Je vois deux manières pertinentes de juguler les erreurs d’inattention dans un examen (sans exclure qu’il y en ait d’autres, mais ces deux-ci me semblent s’imposer particulièrement) :
– sur le long terme, il faut savoir » cartographier » son inattention. Autrement dit, identifier les erreurs que l’on refait souvent. Oubli de signe dans les calculs ? Oubli dans un changement de sens d’inégalité en multipliant ses membres par un réel négatif ? Ou de s’assurer de la non-nullité de x en simplifiant par x deux membres d’une équation ? Chacun a son ou ses erreurs-types, erreurs auxquelles il semble naturellement enclin. Je pourrais même établir une empreinte » type d’erreur » ou dresser un » passeport erreurs » chez la plupart de mes élèves, en les caractérisant par les erreurs d’inattention qu’ils commettent souvent. Cette cartographie étant faite, il s’agit ensuite d’allouer en priorité les ressources temps-énergie (ressources malheureusement limitées en examen) à la vigilance quant aux passages du contrôle où nos erreurs-types pourraient se manifester. À titre personnel, après l’étude du signe de f’ et l’établissement du tableau de variation de f, j’étais parfois enclin à prendre l’expression de f’ et non celle de f pour calculer les éventuels extrema de f. Erreur bête mais qui peut s’avérer fatale, et dont je me suis débarrassé après l’avoir identifié comme récurrente, et après lui avoir alloué spécifiquement lesdites ressources. Bien entendu, il ne s’agit pas de se concentrer uniquement sur nos erreurs-types en ne faisant plus attention au reste, occasionnant alors l’apparition d’autres erreurs-types… Tout est histoire de priorités et de mesure.
– pendant l’examen, il ne faut surtout pas refuser les perches de vérification tendues par l’énoncé. Cohérence est le maître mot. Si le résultat de la 4a entre en contradiction avec celui de la 2b, pourquoi faire semblant de n’avoir rien vu ? Ou pourquoi commencer à paniquer ? Au contraire, il faut se dire que c’est une aubaine ! S’estimer heureux d’avoir remarqué une telle contradiction, qui nous permettra de rectifier le tir (en commençant par vérifier le moins certain de nos résultat) alors que, sans elle, notre erreur serait passée inaperçue et aurait gangrené le reste du devoir. En plus de tels » points de sauvegarde » proposés par l’énoncé, on peut se constituer soi-même un arsenal d’outils de vérification utiles et peu chronophages : prendre le réflexe de regarder si le signe de l’intégrale que l’on vient de calculer correspond bien à ce qu’on attendait (intégrer entre 0 et 1 une fonction positive et obtenir ln(1/2) , c’est bizarre !), vérifier que l’expression générale de M^n obtenue marche bien pour les premiers termes…
Bien évidemment, si l’on compare d’une part ces situations d’humain faillible, qui doit tenir compte de ses étourderies éventuelles, et perdre un peu de temps en conséquence pour en juguler les effets, et d’autre part une situation utopique où l’on ferait tomber les questions une à une sans commettre le moindre impair, on ne peut que s’en vouloir. Mais ce n’est pas la bonne comparaison. Il faut comparer l’élève faillible qui s’efforce de juguler son inattention à ce même élève faillible qui se contente de se promettre de » faire attention « .