Il est intéressant de constater la disparition du souci de rigueur – voire de vérité – dans les copies à mesure que la situation devient bloquante. Mais malgré son aversion tout à fait humaine à la sensation d’être potentiellement pris pour un pigeon, le correcteur aurait tort de croire que ladite disparition dénoterait nécessairement quelque intention malicieuse de la part de l’élève.
Même les meilleures copies, même les élèves les plus sérieux ont du mal à résister à la tentation du concordisme mathématique. « L’énoncé nous demande d’arriver à telle égalité. Or, la seule manière d’y arriver à partir de ce que j’ai obtenu, c’est d’écrire ln(a+b) = ln(a) x ln(b). Bah, du coup, j’imagine que ça doit être vrai… De toute façon, je ne suis plus si sûr de mes formules. » La situation peut sembler caricaturale, mais des erreurs plus graves encore ont été commises au nom de « c’est la seule manière d’y arriver donc c’est forcément vrai ».
Scoop : ce n’était probablement pas la seule manière d’y arriver. Et si vous connaissez assez bien votre cours pour être sûr qu’aucune de ses formules, qu’aucun de ses théorèmes, qu’aucun de ses résultats ne vous fait aboutir à la solution, n’oubliez pas de regarder dans l’énoncé ou dans les questions précédentes s’il n’y a pas la clé à votre blocage.
Scoop bis : même s’il ne faut pas aboutir trop vite à une telle conclusion, peut-être est-ce une erreur d’énoncé. Et dans ce cas, si la correction est faite de manière juste et pertinente, les copies honnêtes se trouvent bien avantagées par rapport à celles qui ont feint d’arriver au résultat demandé – oui qui se sont convaincues de sa véracité quitte à violenter le bon sens le plus élémentaire.
Il est toujours délicat de donner des conseils sur la manière de se débarrasser de comportements souvent inconscients. Ce n’est pas en disant à un élève « ne stresse plus » qu’il arrêtera de stresser, et ce n’est pas en lui disant de ne plus faire d’erreurs d’inattention qu’il arrêtera d’en faire. Quant au moyen de contrer cette propension au concordisme mathématique dans les situations de blocage, il consiste en le fait de redoubler de rigueur mathématique même dans les situations non bloquantes. Si vous vous habituez à un certain niveau d’exigence vis-à-vis de vous-même en temps normal, la baisse inévitable, inconsciente, de ce niveau en situation de crise, s’en trouverait jugulée.