La crise de la vingt-neuvaine

Dans les joies et souffrances, ferme sur ses arçons,
trottant sur les cailloux de ces lointains modèles
qui jonchent ses errances, l’homme jadis garçon
caresse sur le cou sa monture fidèle.

« Vois-tu mon doux cheval, depuis que j’ai quatre ans,
je me compare aux morts célèbres à mon âge.
Te rêvant Bucéphale, je me voyais le Grand
revêtant sans effort la peau du personnage.

Mais les désillusions qui rythment nos années
allaient avoir raison de mes rêveries folles.
Lorsque cela fut fait, ma jeunesse écornée
se saisit d’un feuillet, d’une plume en plein vol.

Il me fallait savoir non pourquoi mais comment
marquer les souvenirs… Mais oui mais c’est bien sûr !
Sans trône et sans empire, ce serait l’écriture;
car entre dans l’Histoire un prince ou un roman.

Me voici commettant en grande prétention
des nouvelles par-ci, des poèmes par-là,
espérant de Rostand l’éclatante ascension
et que dans cent vingt-ans de mes vers on parlât.

Subjonctif incertain… Puis voilà dépassé
l’âge auquel Savinien Cyrano fut gratté.
À quelle fantaisie me faut-il donc passer
et quelle vocation pourrais-je bien rater ? »

A.H.